Plantation d’un jeune bois, vers la « foret-jardin » – Témoignage d’un apprentis « Sylvanier »
Présentation et contexte
Depuis 2016, je pense un design en permaculture et plante des arbres, arbustes, vivaces, etc. pour amener plus de biodiversité, de cultures diversifiés/alimentaire et en vue de reconstituer un bois selon une gestion agroforestière, dans les terres familiales sur une surface d’environ 1,3 hectares dans le bocage normand, au cœur du pays d’Auge.
J’ai commencé ma réflexion selon le principe du « zoning ». On nomme aussi zonage, le fait de classer les parties de son terrain de 0 à 5 selon la fréquence d’utilisation : visite régulière, action sur place et pour quel besoin. Dans cet article, je vous témoigne surtout le travail de plantation effectué, sur les zones 4-5 en vue d’aller vers un jeune bois en gestion agroforestière et selon un design en « foret-jardin ».
Avant d’aller dans les détails, un rapide tour du lieu.
Les zones 0-1, autour de la maison. En l’état actuel, on trouve un jardin ornemental greffé à un petit bois. J’ai procédé à des tailles de transparences pour la majorité des grands arbustes — je taille en « transparence » les grands arbustes déjà présent comme le noisetier, forsythia, rhododendron, cytise dans le but si besoin de rajeunir et de laisser passer la lumière, tout en gardant une certaine intimité. Cette taille spécifique m’a été inspirée au jardin du Vastérival pratiqué par Dominique Cousin. Cette taille se pratique plutôt en été et légèrement en début d’automne et ressemble à bien des égards à la taille verte (ou taille dite de lorrette). En ce qui concerne, les haies bocages en bordure de routes, j’appliquerai une taille têtard dans le but d’avoir du bois de qualités (pour de multiples usages) et avoir du BRF; ces haies sont composées de tilleul à grandes feuilles et de frênes. Ensuite, au niveau des plantations, j’ai commencé en périphérie du terrain, à implanter des massifs d’arbustes « petits fruits » (groseille, ronce domestique, framboisier, muroîse, etc.) complétés à leurs pieds par des vivaces comestibles et aromatiques locales (mélisse, lierre terrestre, menthe, etc.) dans le but d’intégrer tout autour du jardin, une future haie muti-étagés ornementale et comestible en gardant les sureaux noirs et noisetiers et la plantation test d’un futur grand arbre isolé de type noyer.
Actuellement, certains vieux fruitiers de type prunus : mirabellier et ornemental d’espèces ‘serrulata’ mériteraient des tailles de rajeunissement/greffes
Dans les aménagements, il est déjà inclus des espaces pour le compost en tas/rotation; des stères de bois sec et en-cours de séchages y ont été installés depuis peu. Il est a penser dans une vision d’autosuffisance d’inclure, des châssis, une serre adossée, un potager en bac, un poulailler, quelques réserves d’eau pluviale, etc.
Les zones 2 et 3, en contre bas du terrain. C’est un ancien « pré-verger normand » où on trouvait des troupeaux et des vieux poiriers francs pour faire du cidre. Un pré-verger de ce type est déjà une forme d’agroforesterie, c’est pour cela que je pense juste l’agrémenter en densifiant les plantations selon deux design et sur deux modèles de gestions, en « verger-potager » et « foret-jardin ».:
– verger-potager permaculturel inspiré de Stefan Sobkowiak en alignement pour la culture des fruits à pépins classiques (Pommes ‘boskoop’ et poires, etc.). Il sera également intéressant de tester des fruitiers plus résistants à la transition climatique et aux sécheresses plus longues et plus courantes : néflier, kaki et figuier;
– en guildes concentriques pourvues d’arbustes petits fruits et vivaces aromatiques/légumes perpétuels…
– Installation de mares en réseau dans les zones très humides, les plus proches de la rivière.
Pour l’instant, je me contente de faucher en « gestion différenciée » et en alternance et les chemins tracés suivent cette règle : « ce sont les allées qui font le jardin ». et de faire des cultures de pommes de terres et autres légumes racines sous foin. Dans cette zone, les plantes sauvages comestibles de type plantain et oseilles sont abondantes pour la cuisine.
Enfin, j’ai commencé la plantation d’une haie multi-étagé ornementale/fruitière exposé nord (dans le but, de créer un micro-climat pour protégé cette zone des vents froids et humides) et de rajeunir/greffé les vieux poiriers déjà existants.
Les zones 4 et 5
Ces deux zones ont deux fonctions essentielles :
– Une réserve pour la biodiversité dans le but d’observer de mesurer certains impacts climatiques.
– Un espace boisé pour prélever quand besoin, du bois de chauffages, tout en laissant à long terme quelques grands arbres et futaies – présentation du chantier d’implantation, ci-dessous.
– Une « foret-jardin » pour la culture de plantes aromatiques/légumes perpétuelles, arbustes « baies », etc. sur plusieurs strates.
Le contexte : C’est une « Ripisylve » sur une surface de 0,65 ha, on y trouve une flore très diversifiée en fleurs sauvages et riche en azote; certaines parties du terrain sont asphyxiées par l’eau à certains moments de l’année; mais par ces plantations la surface marécageuse est en transition vers une zone boisée humide.
Elle accueille surtout des oiseaux, néanmoins quelques mammifères peuvent y loger. On trouve surtout des chevreuils qui lancent des cris rauques très impressionnants quand on les surprennent, cela est plus que surprenant à qui connait l’allure gracieuse de ces cervidés. Ils peuvent occasionner quelques dégâts d’écorçage et de grignotage surtout en hiver.
La majorité des jeunes arbres sont plantés et protégés par des gaines, mais constatent plus de dégâts ces dernières années sur celles-ci et au lieu de réinvestir dans cet équipement un peu onéreux ; je suis actuellement en test sur la technique de la « gaine de ronce » dont le but est d’enlacer des tiges de ronces, autour des jeunes plants pour les protéger. De plus, je fais en sorte aussi de laisser davantage des groupes de saules qui sont plus attirants pour les grignotages (un chevreuil se doit d’avoir une nourriture variée et aime les jeunes bourgeons de différentes variétés d’arbres).
Par conséquent, je la classe en zone 4 du fait que c’est une zone semi-sauvage qui nécessite peu d’interventions régulières, excepté quelques-unes pour des tuteurages et des abattages de bois (recepage en bordure de rivière). La zone 5 quand à elle, représente chez moi la périphérie de cette parcelle en futaie/bocage impénétrable qui à une fonction d’abris pour la faune.
Les espèces endémiques (pionnière)
Dans cette zone de limite entre terre et l’eau, Il y poussent des plantes dite de « rives ».
Pour la strate herbacées : j’ai référencé l’iris de marais (non comestible, voir toxique comme la massette à larges feuilles), la consoude (plante indispensable tant elle a de multiples vertus), l’ortie brulante et la grande ortie (idem pour les vertus), l’oseille crépue (rumex crispus) qui peut se manger comme la rhubarbe, le carex pendula, l’épilobe à feuilles etroites (Epilobium angustifolium), eupatoire chanvrine dit le chanvre d’eau (Eupatorium cannabinum) ,la reine des près (Filipendula ulamaria) qui sert notamment à la fabrication de l’aspirine, etc. et plus connus, la menthe sauvage, le myosotis, la carotte sauvage pourvus de belles ombelles fleuries qui attirent un très grand nombre de pollinisateurs au seuil de l’été, on peut compter une dizaine d’abeilles sauvages et de bourdons par m2.
Une strate herbacée en évolution
Toutes ces plantes ont besoin de beaucoup d’eau, mais n’y supporte pas d’’avoir les racines constamment dans l’eau, en effet j’ai constaté une plus grande présence de consoude et l’apparition de chardon, du cirse maraicher ou dit faux épinards et de la fausse Spirée; il y a moins de rumex et d’iris des marais et j’ai remarqué l’apparition à quelques endroits , cela indique que cette zone humide est en transition et la suite logique d’un marais. Avec le temps, ces plantes disparaitront surement ou entretenus en micro climat, selon la gestion d’une « foret-jardin », car le sol fertile et humide favorise la croissance des arbres. Dans les endroits les plus humides, il y a toujours autant de menthe des champs, ortie, miscanthus et épilobe.
Enfin, j’ai noté la présence disparate de berces du Caucase en rive et de quelques lamiers blanc, à coté des orties.
La strate arborée et arbustive
La rivière est bordée d’aulnes glutineux (Alnus glutinosa – dans son nom vulgaire on peut l’appeler aussi Aunes) pour la strate arborée et de quelques sureaux noirs pour la strate arbustive inférieure, dont on connait surtout les multiples vertus médicinales, notamment pour les problèmes respiratoires. L’aulne (appelé aussi Aune) est un arbre intéressant pour l’évolution de la parcelle, en outre, d’avoir une croissance rapide (jusqu’à 20m de hauteur à l’âge adulte) et d’être un bon bois de chauffe, il est un « arbre-complément » qui est un fixateur d’azote de l’air et accueille des bactéries actinomycètes du genre Frankia (mi- bactérie et mi-champignon) qui se présente en petites nodosités. Il peut fixer entre 60 et 200kg d’azote par hectare et par an. Il aide en effet les autres arbres à croître. Au niveau physique : il maintient les berges et assèche les zones marécageuses.
En milieu de parcelle, on trouve un grand nombre de saules blanc (Salix alba) indiquant la présence d’eau, aux feuillages léger et comestible en début de printemps et son bois, du plus joli effet en période hivernale de couleurs jaune-orange à rouge brun. Le saule à tant de vertus, avec l’écorce on peut faire des décoctions pour lutter contre les douleurs de par une forte teneur en salicyline et les jeunes rameaux pour faire de la vannerie : paniers ou autres supports pour des nichoirs/gardes manger pour oiseaux.
Sur ce lien, vous pouvez trouver son emploi au jardin pour les plantations (on utilise surtout l’osier à 3 étamines (salix tiendra).
Le choix des espèces – la plantation
Aidés par quelques amis, nous avons planté en avril 2016 une centaine d’arbres âgés de deux ans à peine (0.60 à 0.80 de haut) pour assurer une bonne reprise ; cependant, il était nécessaire de poser des collerettes de chanvre souples (biodégradables, elles se sont décomposées naturellement au bout de 2 à 3 ans). Dans le but de préserver les jeunes arbres de la grande concurrence des herbes indigènes et d’assurer un bon enracinement.
A l’avenir, pour éviter l’achat de collerettes de chanvres et selon ses réserves en matériaux naturels, on peut opter de planter sous « souche », selon cette méthode (du collectif « jardin sauvage ») :
Une centaine d’arbres : 40 chênes, 20 bouleaux, 20 aulnes et 10 érables planes – ont été plantés, pour espérer en garder cinquante à soixante-dix, d’ici quelques années. J’ai sélectionné de jeunes scions âgés de deux ans qui ont une vigueur plus importante, que des sujets « tiges ». Il faut mieux planter les arbres très jeunes, pour une meilleure reprise et si possible en racine nue, en disposant ces plants dans un seau rempli de pralin, mélange : 1/3 terre et 2/3 compost bien mûr (ou éventuellement terreau et option facultative, on peut y ajouter un peu d’argile pour une meilleure consistance et de la bouse), mais chacun fait avec ce qui est disponible, le but est de ne pas laisser les racines à l’air libre, le temps de la plantation.
Avant la plantation, le frêne me semblait la variété la mieux adaptée pour supporter des terres humides et donner assez rapidement du bois pour le chauffage, mais celui-ci ne pouvait être vendu par les pépiniéristes à cause de la maladie de la chalarose (Chalara fraxinea) (ou dit vulgairement « maladie hollandaise de l’orme »). De plus, son feuillage peut servir comme fourrage pour l’élevage lors d’étés secs, il attire les oiseaux, son bois est très dur pour la confection de manches d’outils et enfin, il est intéressant pour le chauffage avec un bon apport calorifique en combustion (il tient le feu comme le chêne alors qu’il pousse aussi vite qu’un saule dans certaines conditions).
Sur ce lien, un premier point sur l’évolution de la chalarose du frêne, 12 ans après la première détection en France (document de juillet 2020).
Par conséquent, c’est le chêne commun (Quercus robur) qui a été retenu. À chaque plant de chêne, il a été planté à 1m50 deux bouleaux (Betula pendula) qui aideront a les faire « monter » (ils poussent plus vite et feront de l’ombre, pour inciter l’arbre à monter et a se renforcer, selon les conseils des forestiers).
Le Bouleau verruqueux (Betula pendula) peut aller jusqu’à 30 m de haut et peut vivre jusqu’à 100ans dans de bonnes conditions. Cet arbre est une essence pionnière qui colonise les espaces traumatisés, incendiés, il n’a pas d’exigence particulière (c’est l’arbre de référence à Prypiat en Ukraine, située dans la zone d’exclusion de Tchernobyl, théâtre d’une catastrophe nucléaire, il y a 33 ans), ils rééquilibrent le PH d’un terrain, le bouleau comme le Saule est un arbre à tout faire pour « Bushcrafteur » : des jeunes feuilles au printemps comestible et jusqu’au début de l’été, sa sève (elle apporte surtout des glucides jusqu’à 20 g par litre) qui se prélève et peut se boire directement (à réaliser sur des arbres qui ont déjà 10ans d’âges idéalement, pour ne pas compromettre sa croissance), et son écorce s’effritant comme un parchemin est un bon « allume-feu » qui tiens mieux que le papier.
J’ai aussi planté des arbres-test : Acer platanoides : érable plane (20-30m de haut), il vit 300-400 ans croissance rapide, attention voir s’il s’adapte au terrain (sol humide et acide), les érables préfèrent les sols calcaires pour l’instant sur mon sol acide, il se plait bien. On peut noter qu’un grand nombre d’espèces d’arbres sont amenés à former des « forets climaciques » – C’est une forêt stabilisée au point de vue écologique, ayant des relations dynamiques équilibrées et consolidées entre climat, sol et organismes, et à une relative stabilité » pour autant qu’elle ne connaît pas de perturbation, plus de détail ici.
On différencie 3 sortes de racines nues – Atmosvert© (pépinière permacole) :
❖ reboisement et plantes ligneuses : il s’agit de plants issus de boutures, semis ou marcottages âgés de 12 à 36 mois.
❖ scion : ce terme s’applique aux jeunes arbres fruitiers greffés en début d’année. Il s’agit d’une tige unique greffée sur un porte-greffe de 24mois en mars, qui grandira au printemps puis sera vendu à l’automne.
❖ scion ramifié : grâce à une taille en juin/juillet, le scion va densifier le branchage de son houppier. Il est laissé un cycle végétal supplémentaire avant la vente pour offrir une plante bien développée.
Observation – Évolution
L’Aulne glutineux subit une régression généralisée qui est principalement due, à un assèchement des zones humides.
Sur ce terrain, c’est tout le contraire les jeunes aulnes se reproduisent allégrement par semis spontané, de plus en bordure, l’aulne et la rivière sont inséparables : l’aulne tient les berges avec ses puissantes et souples racines, de couleur rouge sang.
Je dois régulièrement receper les colonies d’Aulnes jusqu’à deux fois par ans.
Les bouleaux verruqueux et les érables plane croissent également sans difficulté.
Les chênes croissent plus lentement, c’est logique; la grande majorité des chênes implantés ont bien grandi, mais reste plus petit. Ils sont plus sensibles à l’humidité, des taches brunes et des dépôts blancs se manifestent à la fin de l’été. La rouille et l’oïdium sur les chênes sont justement la conséquence d’une trop grande humidité du sol.
Retour sur expérience
Les chênes vont-ils résister lorsque leurs racines seront plus développées en profondeur (sans doute, se trouveront-elles dans des zones de terre plus humide) ? Pas sûr… Peut-être, aurait-il été plus judicieux de laisser les Aulnes et Saules se développer spontanément et de planter quelques bouleaux en ligne pour préparer le terrain ? En vue par la suite de planter des variétés dites « climaciques », c’est-à-dire les chênes.
En ce qui concerne la hauteur des arbres :
– Les chênes ont une taille comprise entre 1m30 à 2,50 m de haut, pour les plus vigoureux,
– les bouleaux entre 2m50 à 4 m,
– les aulnes entre 3 m a 5 m,
– les érables plane entre 1m80 a 2m50.
Entretien transplantions, tailles, tuteurages et soins divers
Certains arbres n’ayant par survécus notamment les chênes, je les remplace par des jeunes scions de frênes (semis spontanés âgés d’1ans), fournis par un arbre-mère à côté de la maison. Ils sont à surveiller, je n’ai pas remarqué de signe de type « chalarose ».
Les travaux durant l’été.
Je continue les tailles de formation (se réalise de la 1ère à la 5e année) tant que la tige formée n’a pas atteint la hauteur désirée : 5-6m notamment pour les chênes, en période estivale — excepté de meilleures conditions de visibilité en hiver, je préfère tailler à cette période en raison d’une meilleure résistance aux pathogènes et une meilleure cicatrisation, cela vaut surtout dans mon contexte de qui est très humides —. Les périodes de tailles de formation pour les arbres se réalisent en été et hiver, on évite de le faire durant les intersaisons: printemps (période de débourrement) et automne (période de descente de sève) et enfin, en période de gel.
Je laisse quelques branches imposantes (néanmoins, je supprime les branches latérales trop vigoureuses et verticales, on dit aussi dans certains cas une « réitération ») en milieu de tronc ou sur le même verticille et je coupe les fourches pour conduire au mieux, la dominance apicale (prédominance du bourgeon terminal qui forme l’axe principal de la tige par rapport aux bourgeons latéraux).
En effet, selon l’expérience des forestiers, cela permet de produire un bois droit, sans trop de nœuds tout en gardant la forme naturelle de l’arbre.
L’architecture naturelle des arbres est très différente selon les espèces. Les arbres évoluent selon un modèle, une « forme » bien définie et programmée qui inscrite dans leurs gènes. Dans mon contexte, les chênes n’ont pas une dominance apicale bien marquée dès la plantation, il leur faut quelques années, pour qu’un axe principal se dessine, c’est un peu semblable pour les aulnes et c’est totalement différent pour les érables plane qui ont naturellement une dominance apicale bien marquée et qui ne nécessitent (presque) aucune intervention.
Pour comprendre les formes naturelles des arbres, rien ne vaut un petit tour sur le terrain avec Francis Hallé :
Cependant, les premières années, je n’avais pas compris cette règle d’équilibre et j’ai fait quelques erreurs de tailler mes arbres en « plumeau » sans forcement appliquer un défourchage, notamment pour les chênes et les aulnes. Par conséquent, j’ai confondu la taille avec l’élagage (qui concerne uniquement les branches basses après quelques années). En résumé, la taille de formation a pour but de supprimer les fourches et les branches concurrentes de la tige principale, pour former l’axe du tronc et ceux sur une période d’environ 5 ans.
Les travaux durant l’hiver
J’effectue surtout du recepage et de la coupe de taillis d’aulnes à l’intérieur du terrain et en bordure de rivière (pour amener plus de lumière) tout en y laissant des arbres majeurs pour maintenir les berges. J’en profite aussi pour receper quelques saules, en vue de sélectionner les futurs brins pour diverses utilités comme le fascinage (clôture), la fabrication de nichoirs pour oiseaux, etc. Je me sers aussi des branches de saules concassés pour réaliser de l’eau de boutures, mais plutôt en été quand la sève montera.
La gestion des déchets de tailles
– Pour la biodiversité, je laisse des tas de branches ici et là (certains oiseaux nidifient davantage sous ces tas de branches que sur les arbres);
– quand j’ai trop de branches, je réalise du BRF par broyage
– pour toutes les tailles d’entretiens, je les laisse à même le sol en coupant les branches. Cette méthode se nomme le “chop and drop” (qui veut dire littéralement tailler et déposer au sol), on coupe autour de l’arbre qu’on veut garder et faire grandir, tous les arbustes, buissons et ronces, etc., en trogne et on dépose les déchets de taille au pied. Ici, il n’y a pas une grande concurrence racinaire entre les arbres spontanés et ceux que je cultive, mais davantage sur la lumière, ma priorité est en premier lieu d’améliorer mon sol. C’est pourquoi je n’arrache pas ces végétaux qui sont ici présents pour capter le carbone de l’air, le stocker, créer de l’humus fertile et de l’ombre au sol. Je travaille avec ces plantes, juste en limitant leur croissance. En résumé, les arbres poussent mieux ensemble que s’il était isolé.
Comme l’explique Ernst Gotsch (chercheur en agroforesterie au Brésil et sylvanier de terrain), il faut tailler et toujours ramener de la matière organique vers le bas, le système forestier et les cultures associé finissent par s’auto-alimenter sans intrants grâce au taille laissé sur place.
Cependant, je reste prudent avec certaines lianes pouvant s’agripper aux arbres (tant que le jeune arbre à de la lumière) et je désherbe/arrache uniquement les graminées de type carex, chiendent, jonc aggloméré, qui quand on les taille ont tendances à créer d’avantage de racine c’est à dire à « taller » et créer une véritable concurrence racinaire et qui dans ce cas, peut gêner les jeunes arbres. Oui c’est curieux, mais plus on fauche et l’on tond une prairie et plus ce phénomène de « tallage » s’amplifie, ainsi un arbre croit mieux dans une prairie non fauchée; le geste réflexe à chaque plantation est de juste couvrir de paille, de foins et de broyat pour ralentir la croissance de ces herbes. De plus, dès la 3e année, les arbres éduqués par les herbes seront assez enracinés pour chercher leur nutriment et de l’eau.
La circulation
Au début, je dépensais beaucoup d’énergie pour accéder aux arbres, en débroussaillant au rotofil thermique, dorénavant je préfère accéder par un simple passage au bâton pour plier les herbes, cela suffit et économise de l’énergie.
J’ai commencé des tests de paillage : mulch de taille sur voile/toile de chanvre biodégradable. Est-il intéressant de pailler dans ce type de zone, pas sur ? ; dans une approche permaculturel, il ne servira à rien de dépenser de l’énergie pour rien.
Soins divers
Il peut m’arriver de soigner certains écorçages laissés sur les troncs par quelques sangliers ou chevreuils en appliquant des badigeons d’argile verte compléter au préalable par des pulvérisations de consoude (la consoude aide à la cicatrisation) sur la plaie de l’arbre avant la pose de l’argile, je peux aussi en pulvériser sur les feuillages en fin d’été, sur les jeunes chênes qui peuvent être approuvé par quelques maladies cryptogamiques comme décris des les chapitres précédents. Cela ne va pas traiter le champignon, mais va renforcer le jeune arbre, du fait que l’humidité vient du sol.
La gestion du bois de chauffage
Je n’ai pas planté des arbres que pour produire du bois de chauffage, j’ai préféré penser les associations qui tendent sur le long terme à avoir une véritable complémentarité et diversité.
Cependant, il est intéressant d’en avoir; c’est pour cela que j’ai éclairci des rideaux d’aulnes en bordure de rivière, courant 2019, ce qui représente plusieurs m3 de stère. Le bois sèche mieux quand il est fendu et exposé au sud. Sur ce terrain très humide, j’ai dû surélever le stère, soit par des buches à moitié décomposées ou avec des palettes. Une bâche a été disposée pour protéger le bois des pluies — mais il est mieux de laisser un espace d’environ 20 cm pour laisser passer l’air et également au sol, cela est plus aisé avec de la taule — après une coupe, je fais séché/lessivé le bois pendant une bonne année. Pour un stère de 1m3, il faut compter 3 arbres de 10ans, ainsi, il est tout à fait possible de créer une bonne production tout en laissant la biodiversité se faire en appliquant la rotation des espèces : en premier l’aulne, en deuxième le bouleau, et enfin en troisième le chêne, dont certains seront laissés sur place, comme « arbre-repère » pour les axes de circulation et voir bien plus tard, pour une exploitation.
Les zones 4-5 – à suivre, projets
Pour la suite, je tiens à faire évoluer cette parcelle sur trois critères (qui coévolueront et sans chronologie particulière) :
– Une zone refuge et une réserve pour la biodiversité (compris dans le design, comme zone 4) : observation pour mesurer certains impacts climatiques sur la faune et la flore. Dès lors, pour ceux qui seraient intéressés, cette parcelle pourrait servir comme base d’étude pour voir l’évolution des arbres dans ce type de biotope, l’apprentissage des plantes sauvages (comestibilité/usage « bushcraft »: comment utiliser ce que nous offre la nature) et leur l’aspect « bio-indicateur » (apprendre à faire des relevés de terrain plus précis en regardant le taux de recouvrement de ces plantes et leur impact bio-indicateur.
– Un espace boisé pour prélever quand besoin du bois de chauffages (cépée/têtards plus en évidence que l’abattage), mais aussi pour d’autres confections artisanales comme la vannerie, et autres utilités, c’est à étudier.
– Un « foret jardin » en 4 strates selon les principes de « l’agriculture syntropique » d’Ernest Götsch, voir en 7 strates. Selon les ressources disponibles. Je n’ai rien fixé, c’est la nature dans sa croissance qui fixera l’abondance et les limites, selon mon contexte et la transition climatique (assèchement progressif, gelée tardive et sécheresse plus longue). Cette zone tendant vers une « lisière forestière » a un potentiel environnemental idéal pour commencer à planter des haies et autres guildes végétales (planter en synergie : l’arbre à la plante vivace), c’est ainsi que j’interviendrai aux endroits intéressés et je laisserai le plus possible le « sauvage » s’établir sur place (par exemple, les ronciers présents sont des marqueurs de cette vie sauvage, il attire beaucoup de faune et de flore diverse pour permettre une bonne régulation des prédateurs, maladies et ravageur monospécifique), de plus ces plantes comme la ronce et l’ortie sont créatrices de synergies positives au niveau du sol et ne sont pas spécialement concurrentiel au niveau racinaire, mais surtout au niveau de la lumière. Ainsi, je devrai surveiller à que le végétal implanté est assez de lumière pour grandir en alliant circulation et installation des guildes qui nécessiteront quand même une préparation du sol, soit par la souche ou le débroussaillage et l’arrachage de quelques rhizomes, chez moi ça sera notamment la famille des « carex ».
Les plantations dans la « foret jardin »
À moyen terme, je vais implanter les 2 strates : arbustives et arbrisseaux en y implantant en priorité : noisetiers, sureaux noirs, et des arbustes de la famille des éléagnacées (chalef, goumi du japon) et des cornouillers comestibles ce qui ferait une belle complémentarité ornementale au niveau du bois durant l’automne/hiver, avec les Saules.
Par la suite, je ne dessinerai par nécessairement une circulation stabilisée, mais évolutive selon les besoins, de sorte que ce sont les allées feront le jardin.
Pour la 4e strate : les herbacées
Pour certaines tout en laissant la nature spontanée se développer, je commencerai des « cultures en guilde » plantées sous paillage et autour de souches selon cette approche pertinente.
– La famille des plantes sauvages comestibles : une bonne partie est présente, elles sont à mettre en valeurs : l’ortie, la consoude, le lamium, le lierre terrestre, etc., et je testerai l’implantation de l’ail des ours.
– La famille des légumes perpétuels : en plusieurs strates et symbiotiques (complémentarité racines et feuilles), les tubercules comme la glycine tubéreuse, le topinambour et l’oca du Pérou, etc. ; en feuilles : le cerfeuil musqué, la roquette vivace, la pimprenelle, le raifort, les chénopodes et autres choux perpétuels, etc.
– Les plantes médicinales et aromatiques : la mélisse à réimplanter (étonnamment pas présent, pourtant dans cette même famille, j’ai noté une très grande présence de menthe et de lamium), la menthe verte, etc. Pour l’instant, j’effectue des prélèvements de menthe des champs (tisanes) et d’ortie (alimentation) pour séchage
– Les plantes ornementales, pollinisatrices et semi-comestibles : l’hosta, l’acanthe et des plantes mellifères comme la bourrache, la guimauve, etc.
L’agroécologie invite à l’écoute, à l’observation, à être présent au monde. Elle rappelle que nous ne pouvons être pleinement nous-même qu’en convivialité avec les autres êtres vivants. Comme l’arbre dans la foret, elle se donne les moyens de fonctionner dans le temps sans détruire. Pratiquer l’agroécologie, c’est utiliser autant sa raison que sa sensibilité. Je vois beaucoup de propositions qui vont dans ce sens.
Jacques Tassin, chercheur en agroécologie végétale au Cirad et spécialiste de l’écologie des invasions biologiques et son livre : Grande invasion: qui a peur des espèces invasives ?, 2014
Sources, pour aller plus loin
– La galerie photo de l’article.
– Plus de précisions sur l’agroforesterie (sur ce même site) et retour de terrain chez Francois de Soos
– Des formations pour penser un jardin-foret et aménager des haies multi-usages sur : http://www.permaculturedesign.fr
Quelques lieux/jardins, livres et projets qui m’inspirent :
– Les arbres sont nos meilleurs alliés, des feuilles aux racines : pour stocker le carbone, régénérer des sols, et contre les métaux lourds, la désertification comme le rappelle Alain Canet président de l’association française d’agroforesterie et fondateur « d’arbre et Paysage 32 » selon lui, il n’y a pas de concurrence systématique entre l’arbre et les cultures vivrières, les arbres cohabitent très bien avec elles et aussi bien en milieu forestier. En terme de rendement : 1 ha de parcelle agroforestier produit autant de biomasses que 1,4 ha de cultures séparées. En effet, en agroforesterie on peut capter jusqu’à une tonne de carbone par hectare et par an dans les arbres, et une de plus dans le sol.
Il ne s’agit pas alors uniquement de sauver les forêts, mais aussi et surtout les sols agricoles […] vus les enjeux, l’agroforesterie deviendront une norme.
– Une jungle étroite en Belgique chez Gilbert Cardon (RIP 2016)
– Ernst Gotsch (chercheur en agroforesterie au Brésil et sylvanier de terrain), il faut tailler et toujours ramener de la matière organique vers le bas, le système forestier et les cultures associées finiront par s’auto-alimenter sans intrants grâce aux tailles faites sur place. Selon lui, cette nouvelle agriculture repose plus sur des mécanismes plus que sur des intrants, c’est justement la conception et la gestion qui remplace la fertilisation voir l’irrigation sur le long terme. Présentation dans la vidéo ci-dessous :
– Un jardin sauvage et des tutos pratique sur le terrain.
– Un enseignement/conte sur les « vieux arbres » de Hervé Coves :
– La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben en complément du livre, le documentaire vidéo : l‘intelligence des plantes de Stefano Mancuso:
L’intelligence d’une plante se situe dans ces racines. En outre, d’être une pompe qui amène la sèvre brut aux feuilles, la plante est munie d’une rhizosphère qui est une zone d’influence racinaire : la photosynthèse et la sève élaborée qui va au sol amènent des glucides, acides animés, organiques, enzymes, vitamines, stérols, etc. cela est un carburant à la vie du sol. En échange, les organismes du sol favorisent l’absorption des plantes d’éléments nutritifs et inversement. C’est avéré que les chênes, les hêtres dans une foret, et même des platanes d’alignements sont une communauté solidaire de connexions de sève qui circule les uns aux autres, les plus faibles sont vraiment soutenus par les plus forts. Il s’est avéré que les chênes, les hêtres dans une foret, et même des platanes d’alignements sont une communauté solidaire de connexions de sève qui circule les uns aux autres, les plus faibles sont vraiment soutenus par les plus forts.
– Le « projet Giono »; depuis 2011, l’ONF organise la migration assistée d’espèces et de conservation génétique d’arbres menacés provenant du sud de la France et qui sont particulièrement menacés par le réchauffement, pour les planter en forêt de Verdun. La migration assistée des arbres se définit comme suit : – « l’homme aide la nature à aller où elle devrait aller naturellement si on lui en laissait le temps, par ailleurs il faut hâter un petit peu la nature du fait qu’on lui laisse plus le temps, avec nos réchauffements climatiques » nous dit Brigitte Musch. Pour comprendre ce phénomène, entretien radio ce lien.