Peut-être que tu es encore confiné et que curieusement, tu souhaites y rester ? En famille, à la campagne, ce temps vous a permis de (re)découvrir la richesse des uns et des autres, avec leurs forces et leurs faiblesses, leur monde intérieur… Sans doute est-ce une occasion inespérée, pour ceux qui le peuvent, de redécouvrir nos aînés, à l’atelier ou au potager, où l’on donne et reçoit ; ici, il n’y a pas de retour sur investissement.
A la serre, tu as préparé les semis, repiqué les plants, les accompagnés aux tuteurs ; à l’atelier tu as dérouillé, aiguisé et huilé les sécateurs et les chaines, les résultats sont bien loin d’être immédiats, à l’inverse de ceux présents dans nos sociétés technologiques et complexes. Dans ces lieux, on veut apprendre des techniques – qui restent un moyen pour cultiver et non un but en soi – mais avant tout, ces changements s’exercent en profondeur en bénéficiant de la transmission d’une culture. Une culture ne s’achète pas et n’est pas un produit – consubstantiel à la culture américaine – c’est d’abord une transmission, un ensemble de code qui se transmet par filiation, dans nos « vieux pays » d’un Guy de Larigaudie.
À ce sujet, je vous recommande le documentaire « le potager de mon grand-père » de Martin Esposito, qui se déroule dans l’arrière-pays niçois. À voir !
Ce documentaire met en mouvement pour apprendre à jardiner ; dans les échanges entre Martin et son grand-père, on redécouvre les vertus de patience, d’humilité et d’écoute entre génération dans le réel du terrain.
« Tu vois petiot, dit le grand-père: je n’ai jamais utilisé de motoculteur, ça détruit tout, je ne fais pas comme ton oncle et ta tante »
Ces échanges entre Martin et son grand-père éveillent également une ressource de plus en plus rare : l’espérance. Un art pour certains, une vertu surnaturelle et divine pour d’autres, qui va nous amener à être responsables de notre mémoire, qui ne se délègue pas aux cénacles institutionnels de la techno-science et ses « applications smart ». Le jardin et son potager en conversion bio ou en permaculture pour mieux comprendre les interactions vivantes sont des moyens qui ne consistent qu’à prendre soin de l’autre et de la terre, de notre faculté d’espérer localement pour s’organiser et installer une relative autonomie à échelle individuelle, familiale ou communautaire. Par conséquent, ces moyens aideront à redécouvrir son propre écosystème à échelle humaine en combinant l’art de la mémoire et l’art d’espérer.
« Ce que j’ai reçu de mon grand-père, j’aimerais que les enfants d’aujourd’hui puissent le recevoir. Mais aujourd’hui, avec la mobilité, l’éloignement, le fait que les personnes âgées soient placées en maison de retraite, la transmission devient plus difficile […] Le jardin est véritable antidote de réconciliation avec le temps et les hommes. C’est une réponse à l’hyper technicité des sociétés : on suit des évolutions de graines minuscules qui peuvent devenir des eucalyptus de plus de 100 mètres de haut pour une graine qui mesure un moins d’un millimètre. Comme un enfant, ce que l’on reçoit petit, on le garde pour la vie ». Jean Marie Pelt
Cette période de confinement peut permettre de remettre certaines choses à leur place, dans ce monde anxieux qui nous disperse et nous affaiblit ; les antidotes ne sont pas tant ces vaccins, puces et autres applications de certificat numérique pour détecter les personnes vaccinées ou pas, mais des antidotes de résilience qui s’incarnent dans l’endurance, la patience et la bienveillance. Pour les acquérir, il faut reconnaitre que le bien-être n’est pas forcément synonyme de confort et qu’il y a un besoin de revenir à des sens simple et collaboratif; qu’il soit d’origine synthétique et naturel, ce type de virus devient toujours plus fort en se nourrissant de nos démesures matérialiste et de nos désordres individualistes.
Il est nécessaire de retrouver l’évidence des gestes quotidiens que ton grand-père ou ta grand-mère t’ont peut-être permis de toucher et de vivre, dans leur campagne,à l’atelier et au potager. Après coup, tu comprendras que tu n’es pas qu’une « offre LinkedIn », que tu vivras davantage le savoir « être » que juste, le savoir « faire » pour retrouver la cohérence du travail, qui se mesure aussi dans la force des liens avec ceux qui nous entourent, dont les plus vulnérables. Le « terrain » décrit par un Antoine de Saint Exupéry devient admirable, en fondant des hommes.
Pour aller plus loin :
Presse :
– Enquête : en ce début d’année 2020, une récente étude IFOP et UNEP (Union Nationale des Entreprises du Paysage) sur les Français et leur jardin, désenchante les images d’Epinal Clause/Villmorin du retraité passionné de son jardin-potager récoltante ses haricots et faisant ces conserves. À ce propos, ils ne sont que 57% des retraités pensant un jardin nourricier contre 72% des moins de 35ans. Cela ne m’étonne pas trop avec l’engouement de la permaculture pour les plus jeunes et les jeunes retraités représentés par la génération des boomers qui ayant connu que la croissance (30 glorieuses) n’ont pas nécessairement l’instinct très prononcé (en tout cas maintenant) pour penser un jardin vivrier. Cependant, cette première étude ne dit pas tout. On relever qu’un français sur deux, pense un jardin en priorité comme nourricier, potager et fruitier ; il y a encore huit ans, c’était seulement un français sur trois.
– Reportage : En cette période troublé, le témoignage d’Anne-Sophie Pelletier nous rappelle que «nos aînés ont toujours été les grands oubliés»
Ce pan de la société doit rester dans le giron du « public » et non au privé, c’est une question d’attention au sort de nos anciens que seul le public est surement mieux apte à gérer. Dans la même problématique, vous trouverez également dans ce reportage à la 22 min, le rôle obscur de certaines sociétés privé dans les EPHAD que je ne citerai pas, qui ne se sont pas illustrés de la meilleure manière.
Au jardin et au potager :
– Potager sur son balcon avec Hervé Chabert
– Quelques clés pour un jardin et un potager résilient, sur ContemplaVert et l’autonomie au jardin avec David Latassa sur Terre Vivante.
– Le confinement a révélé ce besoin de jardin/potager en ville, comme canalisateur et équilibrant. Le meilleur lieu pour transmettre et échanger (à bonne distance pour l’instant), comme dirait Geoff Lawton : « On peut régler tous les problèmes du monde dans un jardin ». Ces derniers temps, on peut constater qu’un certain nombre de copropriétés et de résidences tolèrent davantage la culture maraîchère dans les espaces verts privatifs et/ou collectifs, car un jardin dit d’ornement peut-être largement comestible, comme nous l’enseignent les forets-jardins.
La suite de la réflexion : Et si cette crise donnait une autre dimension aux jardins partagés et familiaux ?
Livre :
– Eloge du carburateur, Essai sur le sens et la valeur du travail de Matthew B. Crawford
Vidéo – documentaire fiction :
– Le potager de mon grand-père de Martin Esposito
– Profils paysans de Raymond Depardon
Initiative terrain :
– Une entreprise familiale peut se projeter plus loin qu’une grosse industrie : A Compiègne, la bière Saint Médard coule dans des bouteilles consignée, l’emploi est solidaire et les circuits sont court chez Philipe Gagniard.
– Ferme de la Butte-Pinson : Réparer un lien cassé et reconstruire avec la ferme. Les TIG à la ferme un duo qui marche : sur ce lien
– Une des familles, la plus autonome en France ?
– Des témoignages pour les 4 saisons du jardin bio (cliquer sur les images pour agrandir)